Jacques
Chirac s'est acquitté mercredi sans chaleur d'une formalité en apportant
son soutien à la candidature présidentielle de Nicolas Sarkozy, qui
quittera lundi le ministère de l'Intérieur. Ce soutien met
provisoirement un point final à 12 ans de relations houleuses entre le
chef de l'Etat et Nicolas Sarkozy, qui avait soutenu en 1995 la
candidature à l'Elysée d'Edouard Balladur contre Jacques Chirac.
Le
message que le Président Chirac a adressé aux Français ce dimanche 11
mars m'a, je l'avoue, ému.
C'est
une page importante de l'histoire de la Vème république qui est tournée
par l'annonce de sa retraite politique. Son intervention a été
particulièrement digne, et ce qu'il a dit, pour peu qu'on oublie la
réalité de ces douze dernières années, sincère et fondamentale.
Il
n'a pas, à cette occasion, exprimé un choix, mais la totale absence de
référence au général de Gaulle dont il a été pourtant un ministre,
présage un soutien à Nicolas Sarkozy ; une référence gaullienne eut été
déplacée.
Son
bilan
Que
faut-il retenir son passage à l'Elysée :
Après
la première cohabitation de 1986 à 1988, que l'on pensait n'être qu'un
incident de parcours que l'histoire ne nous épargne jamais, la
dissolution ratée en 1997, toujours inexpliquée, a institutionnalisé la
cohabitation comme un mode de gouvernance. Le quinquennat, prônée par
Valéry Giscard d'Estaing qui s'en est suivi, a transformé nos
institutions et rétabli le pouvoir des partis politiques. Aujourd'hui,
beaucoup des candidats à la magistrature suprêmes utilisent ce constat
pour aller vers une VIème république qui ne sera qu'un clone de la 4ème
réputée pour son instabilité gouvernementale. Par ailleurs, le retour de
la France au sein du comité militaire de l'OTAN est une position
notoirement antigaulliste qu'il est indispensable de rappeler*.
Une
Europe ayant perdu son contrôle
La création d'une monnaie unique,
l'Euro, dont on mesure aujourd'hui toute l'étendue du désastre tant
auprès des familles par une réelle augmentation des produits de première
nécessité, qu'au niveau de notre économie par une parité euro-dollar
plombant nos exportations (Airbus !). Utile aussi de rappeler l'échec
personnel, mais heureux pour la France, du référendum européen du 29 mai
2005, que le Président n'a pas, ni de près, ni de loin, évoqué pour ne
pas gêner Nicolas Sarkozy qui s'apprête à le contourner dès son
éventuelle élection.
Nous
pourrions lister toutes ses erreurs (Service national…), mais il
convient de rester sur l'essentiel.
Ne
pas omettre pour autant
Néanmoins,
personne ne pourra oublier la politique étrangère de la France pendant
ses deux mandats. C'est bien dans ce domaine que Jacques Chirac s'est
montré le plus gaulliste, et notamment dans l'affaire Irakienne pendant
laquelle la voix de la France s'est voulue indépendante, forte et
appréciée partout dans le monde. Comment pourra-t-il, sans détourner les
yeux de ceux des Français qu'il dit tant aimer, reconnaître en Nicolas
Sarkozy, le candidat le mieux disposé à poursuivre cette politique ?
La
fin d'une époque, mais pas celle du gaullisme
Dans
l'histoire du gaullisme, on peut distinguer trois phases
générationnelles. La première correspond à la guerre 39-45. Il reste
très peu d'acteurs de cette héroïque période, et personne dans la classe
politique ne peut encore s'y référer. La seconde, celle du retour du
Général aux affaires en 58, les débuts de la Vème république, plus
politique qu'historique, se termine par le départ de Jacques Chirac.
Aujourd'hui, une troisième génération va éclore. Elle s'appuiera sur
l'héritage laissé par le Général, mais aussi, et surtout, sur les idées
qu'il a toujours défendues, dans tous les domaines, avec cette
sensibilité sociale si nécessaire. Son œuvre inachevée sera le fil
conducteur de notre action et celle des générations à venir. Le
gaullisme n'est pas mort comme le souhaitent tous ces "revanchards" qui
rêvent, en secret, de lui "faire la peau". Il survivra et représentera,
une fois de plus, le renouveau de notre Nation, libre, indépendante,
démocratique, sociale, respectée et reconnue dans le monde entier comme
une référence humaniste.
* Retour
honteux de la France dans l’OTAN Annoncée en
pleine grève, le 5 décembre 1995, la réintégration de la France au sein
du conseil des ministres et du comité militaire de l’Organisation du
traité de l’Atlantique nord est passée quasiment inaperçue. Or cette
décision tourne la page ouverte en 1966 par le général de Gaulle avec le
retrait de l’organisation militaire intégrée de l’Alliance.
Aboutissement d’un rapprochement progressif engagé dès les années 70,
cet acte politique majeur s’appuie sur des arguments fallacieux.
(Paul-Marie de La Gorce) -A
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